PARIS (architecture 1981-1995)

PARIS (architecture 1981-1995)
PARIS (architecture 1981-1995)

PARIS, architecture 1981-1995

Pendant ses deux septennats, François Mitterrand, dont on connaissait le goût pour la chose construite, a engagé une politique de grands travaux qui ont souvent suscité de violentes polémiques au cours de leur réalisation (Pyramide du Louvre, tours de la Bibliothèque nationale de France) mais qui ont été plébiscités par l’opinion et par le public, politique tranchant radicalement avec les hésitations des années 1970. Implantés dans des sites importants du Paris historique élargi au Paris de l’Ouest, ils ont transformé le visage de la capitale. L’architecture retrouva ainsi les faveurs du public français, et la plupart des monuments édifiés ont connu un retentissement international (l’Opéra de la Bastille étant presque universellement décrié). Les grands travaux ont entraîné un profond renouvellement de la scène architecturale: intervention d’architectes étrangers, apparition de nouvelles générations d’architectes français.

Le nouveau régime héritait de projets engagés par l’ancienne administration et dont beaucoup avaient été violemment critiqués, soit pour des raisons architecturales (les immeubles-miroirs de la Tête-Défense, jugés timides et indignes d’un tel lieu, ou le parc à la française de la Cité des sciences de La Villette, considéré comme néo-classique et traditionaliste), soit pour des raisons idéologiques (le musée d’Orsay suspecté de vouloir réhabiliter le goût pompier au détriment de la modernité), et d’autres encore qui s’étaient enlisés dans les rivalités Ville-État (comme l’Institut du monde arabe, initialement envisagé boulevard de Grenelle). Pour ce dernier, un concours organisé entre quelques architectes de la nouvelle génération allait permettre à Jean Nouvel et à ses associés d’édifier, à l’angle de l’ancienne Halle aux vins, un édifice de verre et d’acier d’une grande élégance (1981-1987).

Quant au musée d’Orsay, inauguré en 1986, c’est pour l’essentiel le projet de Valéry Giscard d’Estaing qui fut mené à bien. Le parti esthétique de Gae Aulenti, souvent jugé trop emphatique, porte la marque de l’historicisme postmoderne caractéristique de la fin des années 1970.

Dans la tradition solide d’un certain modernisme français, la Cité des sciences de La Villette a été conçue par Adrien Fainsilber pour s’insérer dans l’énorme halle industrielle des anciens abattoirs; le nouveau président lui restitua même cette géode d’acier inoxydable que son prédécesseur avait fait ôter parce qu’il la jugeait «disgracieuse et contraire au goût français» et qui allait devenir le principal symbole de ce complexe scientifique, en même temps qu’une de ses attractions les plus appréciées. Le musée, inauguré en 1986, affirme drainer quelque 5 millions de visiteurs par an.

En revanche, deux projets furent censurés quelques semaines après l’arrivée de la gauche au pouvoir: celui de la Tête-Défense et celui du parc de La Villette. Pour l’un et l’autre furent organisés des concours internationaux qui virent affluer de nombreuses propositions. À la Défense, ce fut un architecte danois, Johan Otto van Spreckelsen, qui remporta le concours avec une grande arche de marbre blanc qui devait, à l’origine, abriter un «carrefour international de la communication». À La Villette, c’est un jeune intellectuel new-yorkais proche de l’art conceptuel et du mouvement déconstructiviste, Bernard Tschumi, qui, au terme de délibérations tumultueuses, fut désigné pour la réalisation d’un «parc du XXIe siècle» que l’on voulait actif, multiculturel, ouvert aux populations du centre-ville comme à celles des banlieues.

Mais le «grand œuvre», celui auquel le président de la République devait attacher tous ses soins, celui qui, pour la postérité symbolisera sans doute l’action de ce président-bâtisseur (de ce «pharaon», dira-t-on lorsque l’architecte américain Ieoh Ming Pei présentera en 1984 sa pyramide si controversée), celui qui allait également susciter les plus violentes polémiques, fut le projet du Grand Louvre. C’est lors de sa première conférence de presse, en septembre 1981, que François Mitterrand avait annoncé son intention de faire de la totalité de l’ancien palais un vaste musée, réordonné autour de sa cour centrale après le départ du ministère des Finances installé jusqu’alors dans l’aile Richelieu.

C’est autour de l’échéance du bicentenaire de la Révolution française en 1989, qui devait être marqué par une exposition universelle, que s’organisa la chaîne des grands projets: ceux que nous avons cités, ainsi que la construction d’un nouveau ministère des Finances à Bercy (les architectes Paul Chemetov et B. Huidobro devaient y édifier une barre perpendiculaire à la Seine, souvent décriée), d’une salle destinée aux concerts de rock à la porte de Bagnolet, projet abandonné, de la Cité de la musique de La Villette, achevée en 1995 par Christian de Portzamparc, et, surtout, de l’Opéra populaire de la Bastille, le plus chargé de symbolique socialiste, le plus attendu (756 équipes d’architectes du monde entier y concoururent) et le plus décevant tant par la médiocrité de l’œuvre architecturale du Canadien Carlos Ott que par les difficultés humaines, administratives et financières qui devaient, pendant plusieurs années, défrayer la chronique.

Le destin politique des grands projets fut difficile. Les aléas de la vie politique, la dégradation de la situation économique, la vive controverse qui opposa la municipalité, la région et l’État quant à la localisation de l’exposition universelle (qui devait entraîner l’abandon du projet en juillet 1983) et, enfin, l’organisation dans la presse de campagnes d’opinion extrêmement hostiles à certains des projets, le Grand Louvre notamment, furent autant d’éléments d’affaiblissement et de ralentissement de ces opérations.

Leur calendrier de financement et de réalisation avait été, dès l’origine, étudié de manière à les rendre irréversibles, quelle que fût l’issue des élections législatives de 1986. Celles-ci devaient provoquer un renversement de majorité et conduire à une période de «cohabitation». Le léger retard dans l’élaboration des grands projets les plaça dans une situation difficile, et s’ouvrirent pour eux deux années confuses où tout concourait à les menacer: la prise en compte des critiques qui s’élevaient nombreuses dans l’opinion, les divergences et querelles d’ambition entre divers personnages de la nouvelle majorité, enfin l’affirmation d’une politique libérale qui prônait en tous lieux le désengagement de l’État.

Mais, à quelques mois près, il était trop tard pour revenir sur la construction proprement dite de la plupart de ces édifices, et donc pour effacer du paysage parisien ce qu’en termes politiques pouvaient avoir de symbolique la Pyramide du Louvre ou l’Arche de la Défense.

La réélection de François Mitterrand en mai 1988 ne put les sauver tous: pour le destin de l’Arche comme centre de communication, il était trop tard. En revanche, l’inauguration du Grand Louvre se fit comme prévu, dans une atmosphère presque totalement lavée des tempêtes de naguère et avec un indice de popularité auprès de l’opinion absolument renversé. La Pyramide si décriée fut plébiscitée, tant par la presse que par le public. La seconde phase du projet, transformation de l’aile Richelieu (inaugurée en 1993) et réorganisation générale des collections, devrait se poursuivre jusqu’en 1996.

Dans le cadre du second septennat de François Mitterrand, plusieurs projets de réfection furent étudiés, celui du Muséum d’histoire naturelle (la Grande Galerie de l’évolution au Jardin des Plantes par les architectes P. Chemetov et B. Huidobro a été inaugurée en 1994), ceux du musée de l’Homme, du palais de la Découverte et du Conservatoire national des arts et métiers, et surtout deux nouveaux projets, celui de la Bibliothèque nationale de France, destinée à remplacer la Bibliothèque nationale, et celui du Centre de conférences internationales du quai Branly.

Ces deux derniers ont marqué un tournant sensible dans l’évolution esthétique des projets mitterrandiens qui semblaient relever jusqu’alors d’un modernisme relativement tempéré et d’une symbolique humaniste assez classique. Ils ont été confiés à de jeunes architectes français plus virulents (Dominique Perrault, trente-six ans au moment du concours, pour la «Grande Bibliothèque», et Francis Soler, quarante ans, pour Branly: victime d’une mauvaise conjoncture économique, le projet de centre a été abandonné en 1994), deux représentants d’une génération éprise de transparence et souvent inspirée par les productions de l’art conceptuel ou minimaliste.

C’est le projet de la Bibliothèque de France (le bâtiment a été inauguré en mars 1995) qui a suscité les plus grands débats, ou du moins les plus publics. La polémique, cette fois, est née du monde universitaire, inquiet du choix de tours en verre pour abriter des ouvrages et du coût de leur maintenance. La proposition de Dominique Perrault consiste en quatre tours transparentes (qui abriteront les ouvrages dans des conteneurs de métal) disposées comme «des livres ouverts» aux quatre coins d’une vaste esplanade creusée en son milieu pour accueillir un patio-jardin. Le dispositif, sobre et majestueux, ordonnera autour de lui le futur quartier de Tolbiac.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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